3.4. Le processus d’ouverture à la concurrence pour le marché constitue, pour les AOT, une opportunité historique de développer une compétence opérationnelle accrue leur permettant de piloter efficacement des conventions opérées par différents exploitants et de jouer pleinement un rôle d’architecte des services conventionnés

Jusqu’à présent, les AOT ont délégué à l’opérateur historique l’ensemble du pilotage opérationnel relatif à l’exploitation des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs, en n’intervenant que sur la définition d’un certain nombre d’objectifs relatifs au service rendu. Le cadre conventionnel était ainsi beaucoup plus simple que le cadre contractuel mis en place pour d’autres transports publics locaux (délégations de service public). L’enjeu, au lancement du processus d’ouverture, consiste ainsi à évoluer d’un contexte où l’entreprise ferroviaire historique détient seule les compétences et l’expertise associées à l’exploitation des services, à un contexte où les AOT doivent en acquérir et développer une partie, aux fins d’élaborer les appels d’offres pour l’attribution de contrats de service public et de superviser et contrôler les services fournis par différentes entreprises ferroviaires attributaires de ces contrats.

Comme cela a été le cas ailleurs en Europe, le processus de libéralisation en cours ouvre un vaste champ d’opportunités aux AOT pour poursuivre le développement de leurs compétences en matière d’attribution et de pilotage des conventions de service public de transport ferroviaire de passagers. Ce développement des compétences concerne aussi bien (i) l’élaboration des appels d’offre, (ii) que le transfert des personnels, (iii) l’acquisition et la gestion de flottes de matériels roulants, (iv) la gestion des installations de maintenance du matériel roulant ferroviaire ou (v) la gestion du modèle de billettique. Il passera par le recrutement durable de spécialistes et d’experts techniques et juridiques en matière d’appels d’offres, également capables, le cas échéant, d’assurer le pilotage de prestataires spécialisés pour accompagner la montée en compétences des AOT sur les champs précités. L’acquisition de cette expertise opérationnelle permettra aux AOT de devenir de véritables architectes des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs.


Les expériences européennes de libéralisation des services conventionnés de transport de voyageurs montrent que le processus de montée en compétences peut être long et difficile à pérenniser. Elles permettent de dégager quelques enseignements utiles, en particulier l’intérêt pour les AOT de :

  • mutualiser les ressources et les compétences afin de développer une société publique, établie et pilotée conjointement par plusieurs AOT, destinée à assurer la gestion d’une flotte de matériels roulants dédiés aux services conventionnés de ces AOT et leur mise à disposition, à travers un contrat de location par exemple, aux exploitants ferroviaires des services conventionnés de ces AOT ;
  • développer des instruments de garantie financière dans l’optique de faciliter, le cas échéant, l’acquisition de nouveaux matériels roulants par les opérateurs ferroviaires ;
  • mettre en place des entités assurant tout ou partie des fonctions d’AOT, distinctes des services des conseils régionaux (sociétés publiques locales par exemple), à l’instar de ce qui existe en Allemagne ou de ce qui est prévu en région Grand Est. La mise en place de telles entités peut conduire à faciliter le recrutement et la fidélisation, dans des conditions adaptées, des spécialistes et experts techniques disposant des compétences clés pour assurer la gestion de services conventionnés ouverts à la concurrence pour le marché ;
  • atténuer les risques engendrés par la fragmentation de systèmes de billettique en termes de complexité accrue pour les voyageurs et de duplication d’investissements conséquents, à l’instar de ce qui a pu être observé au Royaume-Uni notamment. De ce point de vue, des réflexions pourraient être engagées entre AOT, par exemple au niveau de Régions de France, sur la mise en place d’un groupement d’intérêt public (GIP) leur permettant de mutualiser leurs efforts pour développer des systèmes de billettique performants et répondant aux besoins d’interopérabilité avec les autres systèmes de transport public.

Enfin, le développement de contrats de service public plus incitatifs et dotés d’un système de reporting complet de la part des exploitants de conventions de service public de transport ferroviaire de voyageurs permettrait aux AOT de mieux piloter ces contrats. De ce point de vue, un travail pourrait être engagé, par exemple au niveau de Régions de France, pour établir un cahier des charges type pour ces contrats, permettant de répondre à cet objectif.