Bernard Roman – Président de l’Autorité de régulation des transports

Près de quatre ans après la publication de sa première étude thématique sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs et au moment où cette ouverture devient une réalité concrète, l’Autorité publie une nouvelle étude thématique sur le sujet.

Cette seconde édition ne constitue pas une simple actualisation des précédents travaux publiés en mars 2018. Établie à partir de diagnostics issus de près de quatre années d’observation minutieuse des marchés du transport ferroviaire et des conditions d’accès aux infrastructures du système ferroviaire et d’écoute permanente et attentive de l’ensemble des parties prenantes, elle porte l’ambition, au moment où de nouveaux opérateurs investissent des moyens financiers, humains et techniques importants pour offrir de nouveaux services de transport ferroviaire en France, de rappeler les conditions pour que le processus d’ouverture à la concurrence accomplisse toutes ses promesses en matière de développement des services de transport ferroviaire.

Car l’ouverture du marché n’est en aucun cas une fin en soi : en conduisant à une baisse des prix, à une amélioration de la qualité de service et au développement d’innovations, elle constitue, au contraire, un levier potentiellement très puissant d’amélioration et de développement du système ferroviaire, au bénéfice de ses usagers, comme le montrent sans ambiguïté les retours d’expérience des pays européens plus avancés dans ce processus.
Les exemples étrangers montrent également que cette dynamisation du transport ferroviaire de voyageurs bénéficie à toutes les parties prenantes, y compris l’opérateur historique. En Allemagne, par exemple, alors que les opérateurs ferroviaires alternatifs exploitent près de 40 % des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs, la Deutsche Bahn a vu ses trafics et revenus croître depuis l’ouverture du marché, au début des années 1990, dans un contexte de croissance globale du marché des services de transport ferroviaire de voyageurs. Des constats similaires peuvent être effectués en Italie pour les services de transport ferroviaire à grande vitesse, ou encore en Suède, pour l’ensemble des services. Ainsi, l’ouverture à la concurrence ne se traduit pas par une simple substitution de services opérés jusqu’alors par l’opérateur ferroviaire historique par des services similaires offerts par de nouveaux entrants : au contraire, elle est le vecteur d’un nouveau souffle pour le système ferroviaire dans son ensemble.

Ce nouveau souffle peut être particulièrement bienvenu en France, où le système ferroviaire possède des réserves de capacité et présente un potentiel d’attractivité important. Ces réserves de capacité, sur un réseau – en dehors du cas spécifique de l’Île-de-France – moins intensément circulé que dans la moyenne des pays européens, existent y compris sur les lignes à grande vitesse, comme l’arrivée de Trenitalia sur l’axe le plus intensément circulé, entre Paris et Lyon, en a récemment fait la démonstration, avec un maintien de l’offre de SNCF Voyageurs et l’insertion de nouvelles circulations de Trenitalia. Quant au potentiel d’attractivité, il ressort clairement, d’une part, du nombre élevé (38) de nouveaux services librement organisés, pour l’essentiel opérés sur lignes classiques, déclarés auprès de l’Autorité par cinq opérateurs différents, dont l’opérateur historique, d’autre part, du nombre significatif de nouveaux opérateurs ayant fait part de leur intérêt pour répondre aux appels d’offres organisés par les autorités organisatrices.

Pour assurer le terrain de jeu concurrentiel le plus propice à une ouverture à la concurrence réussie, tant sur le segment des services librement organisés que sur celui des services conventionnés, une amélioration des conditions d’accès aux infrastructures essentielles et aux données pertinentes pour l’attribution de services conventionnés est indispensable. L’objectif est de permettre un usage effectif et optimal de ces infrastructures, grâce à des conditions tarifaires d’accès plus performantes, de lever les barrières à l’entrée techniques induites, notamment, par une insuffisante modernisation du réseau et de permettre à des autorités organisatrices aux compétences renforcées pour assurer le pilotage des appels d’offres et l’exécution de contrats multiples d’obtenir de l’opérateur historique la communication des données essentielles à l’attribution concurrentielle de lots de services conventionnés.

Afin de créer les conditions d’une ouverture à la concurrence réussie des services de transport ferroviaire de voyageurs, l’Autorité formule ainsi 39 recommandations. Certaines, regroupées autour de 12 « recommandations générales », lui paraissent incontournables, à court ou moyen termes.

À l’heure où les pouvoirs publics, au niveau européen comme au niveau national, affichent de grandes ambitions pour le développement du transport ferroviaire, je forme le vœu que les différentes parties prenantes puissent s’approprier l’état des lieux que dresse cette étude et s’emparer, sans tarder, des recommandations qui y sont formulées. C’est à cette condition que la dynamique positive observée ces derniers mois avec l’entrée de Trenitalia sur le marché de la grande vitesse et l’attribution à Transdev, pour dix ans, d’un lot de services conventionnés dans la région Sud PACA, pourra s’approfondir, au bénéfice tant des usagers que de l’atteinte de son plein potentiel modal par le transport ferroviaire de voyageurs.