La France est l’un des derniers pays européens à libéraliser son marché domestique du transport ferroviaire de voyageurs. En Europe, certains pays tels que l’Allemagne, l’Autriche, le Royaume Uni ou la Suède ont même ouvert ce marché à la concurrence depuis plus de vingt-cinq ans. Hormis la Belgique et la Suisse, les voisins européens ont tous ouvert la fourniture des services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence.

Cette libéralisation fait suite à l’adoption du quatrième paquet ferroviaire au niveau européen en 2016 et à sa transposition en droit national, dans le cadre de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et de ses textes d’application. Ainsi, les services domestiques français de transport ferroviaire de voyageurs sont désormais ouverts à la concurrence, depuis le 13 décembre 2020 (horaire de service 2021) pour les services librement organisés, dans le cadre d’une concurrence sur le marché (concurrence en « open access »), et depuis le 3 décembre 2019 pour les services conventionnés, dans le cadre d’une concurrence pour le marché.

En mars 2018, dans le contexte de la préparation de la transposition du quatrième paquet ferroviaire, l’Autorité publiait quatre livrets sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs en France. Ces livrets avaient pour ambition, sur la base d’un parangonnage européen et d’un état des lieux du système ferroviaire français, de poser les enjeux, d’identifier les facteurs clés de succès et les points d’attention spécifiques dans le contexte de la libéralisation à venir et de formuler un certain nombre d’éclairages et de recommandations à destination des acteurs du système ferroviaire et des pouvoirs publics.

Près de quatre ans après la publication de ces quatre livrets, la quasi-totalité des textes réglementaires destinés à l’application de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire a été publiée, posant les bases d’un nouveau cadre pour le système ferroviaire en vue de son ouverture à la concurrence et renforçant le rôle des autorités organisatrices de transports (AOT) régionales.

L’arrivée de nouveaux opérateurs exploitant des services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs, encore assez lointaine et abstraite, voire hypothétique, en 2018, devient à présent une réalité. Un premier opérateur alternatif, Transdev, a remporté, dans le cadre d’un processus d’attribution concurrentielle, l’exploitation, à partir de 2025 et pour dix ans, d’un lot de services conventionnés dans la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’opérateur ferroviaire historique italien, Trenitalia, a lancé, le 18 décembre 2021, l’exploitation commerciale de services librement organisés à grande vitesse entre Paris et Lyon avec des prolongements jusqu’à Milan.
En outre, au-delà de ces deux situations emblématiques, de nombreux opérateurs ferroviaires s’engagent aujourd’hui concrètement en se préparant à participer aux processus d’appels d’offres des AOT régionales, d’une part, et en préparant activement l’exploitation de services librement organisés sur ligne à grande vitesse ou sur ligne classique, d’autre part.
Par ailleurs, une petite moitié des AOT régionales s’est engagée ou est sur le point de s’engager dans le processus d’attribution concurrentielle de l’exploitation de services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs.

Si le nombre d’acteurs qui s’engagent activement dans ce processus d’ouverture laisse planer peu de doutes quant au potentiel d’attractivité du système ferroviaire français, le cheminement des nouveaux opérateurs dans ce processus d’ouverture se heurte à des difficultés de plusieurs ordres et comporte de nombreuses incertitudes.


L’enjeu pour le système ferroviaire français consiste ainsi, à présent, à transformer des intentions et des préparations en entrées effectives et réussies de nouveaux opérateurs ferroviaires sur les différents segments des marchés du transport ferroviaire de voyageurs, leviers d’un accroissement de la performance du système ferroviaire au bénéfice des utilisateurs de ce système et, plus largement, de la mobilité des personnes.

Dans ce contexte, près de quatre ans après la publication de ses premiers livrets relatifs à l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, l’Autorité propose de revisiter et d’actualiser les différents thèmes, diagnostics et recommandations qu’elle avait formulés en mars 2018. Les quatre livrets thématiques élaborés par l’Autorité proposaient alors d’apporter une réponse à la problématique des conditions de réussite de l’ouverture à la concurrence des services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs. Ces livrets portaient sur (i) les enseignements européens, (ii) les obstacles à lever pour une ouverture à la concurrence réussie, (iii) les conditions d’une ouverture à la concurrence efficace des services conventionnés et (iv) les questions posées par l’ouverture à la concurrence des services commerciaux.

En 2022, l’enjeu pour l’Autorité, dans ce rapport, consiste à questionner le processus d’ouverture à la concurrence en cours, à mesurer les écarts entre la situation constatée à date et les bonnes pratiques vers lesquelles il conviendrait de tendre, dans un contexte législatif et réglementaire désormais posé, afin de formuler toutes les recommandations utiles.

Les résultats des travaux conduits dans le cadre de la présente étude sont structurés autour de quatre thèmes complémentaires :

  • un premier thème relatif à la présentation du panorama pré-concurrentiel des marchés des services de transport ferroviaire de voyageurs en France en 2021. Ce panorama montre qu’en dépit de la crise sanitaire qui affaiblit les services établis, de nouveaux opérateurs se préparent activement à investir dans un large spectre de services ferroviaires ;
  • un deuxième thème majeur afférent à l’accès aux infrastructures essentielles du système ferroviaire. Ces travaux témoignent de la nécessité de poursuivre les efforts pour lever les obstacles à une ouverture à la concurrence réussie : si le cadre législatif et réglementaire fixe désormais des règles du jeu de l’ouverture à la concurrence en France, de nombreuses problématiques organisationnelles, de gouvernance, techniques, économiques et financières demeurent et peuvent potentiellement fragiliser – sinon obérer – le processus d’ouverture en cours ;
  • un troisième thème dédié à la montée en puissance des AOT dans le processus d’ouverture à la concurrence des services conventionnés. Si de plus en plus d’AOT s’engagent dans le processus d’ouverture à la concurrence de leurs services conventionnés, les enjeux techniques et économiques liés à l’exécution des futurs services apparaissent déterminants pour la réussite du processus d’ouverture ;
  • un quatrième thème dédié à l’ouverture à la concurrence des services librement organisés. L’ouverture à la concurrence des services librement organisés en France attire un nombre important d’acteurs en comparaison de ce qui a pu être observé dans les pays européens ayant libéralisé ces services auparavant (deux à trois opérateurs pour les services à grande vitesse, au moins trois acteurs pour les services sur ligne classique), mais un certain nombre de barrières techniques et économiques persistantes peuvent décourager les vocations d’entrée, voire obérer la possibilité de développer des services.

Le présent document propose une synthèse des principaux éléments d’éclairage et de diagnostic ainsi que des recommandations attachées à ces différents thèmes. Une présentation plus détaillée de ces éléments est proposée, en annexe, sous la forme de dix-neuf fiches thématiques.