2.2. Le versant opérationnel de l’accès à l’infrastructure et aux installations de service ferroviaires reste caractérisé par un parcours compliqué pour les entreprises ferroviaires, dont la transparence et l’efficacité doivent impérativement être améliorées

2.2.1. La gestion de l’infrastructure ferroviaire doit être modernisée et rendue plus flexible
pour améliorer la performance et la qualité des services de transport ferroviaire

L’infrastructure ferroviaire constituant le facteur de production socle de tout service de transport ferroviaire, la performance des services de transport ferroviaire offerte aux voyageurs repose en grande partie sur celle de la gestion de l’infrastructure ferroviaire. Cette dernière peut être décrite comme l’ensemble (i) des prestations fournies et (ii) des processus pilotés par le gestionnaire de l’infrastructure, SNCF Réseau, aux fins de planifier et gérer les circulations des services de transport ferroviaire de voyageurs et de fret ainsi que d’assurer la maintenance de l’infrastructure.

Le point 1 de l’annexe II de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 définit les prestations minimales que le gestionnaire de l’infrastructure est tenu de fournir :

  • le traitement des demandes de capacité, le droit d’utiliser les capacités accordées et l’utilisation effective de l’infrastructure ferroviaire ;
  • le contrôle de la circulation des trains, y compris la signalisation, la régulation, le dispatching ainsi que la fourniture d’informations concernant la circulation des trains ;
  • l’utilisation du système d’alimentation électrique par le courant de traction ;
  • le cas échéant, toute autre information nécessaire à la mise en œuvre ou à l’exploitation des services de transport ferroviaire pour lesquels des capacités ont été accordées.

Les processus relatifs à la gestion de l’infrastructure, qui rythment les différentes phases de l’accès à l’infrastructure ferroviaire par les entreprises ferroviaires et dans le cadre desquels les prestations minimales sont fournies, peuvent être décomposés comme suit :

  • le processus de répartition des capacités de l’infrastructure, dont l’objectif consiste à structurer la capacité disponible et à en gérer l’allocation aux utilisateurs du réseau ;
  • le processus de programmation des travaux, dont l’objectif consiste à structurer et planifier les plages de travaux sur l’infrastructure, en cohérence avec le processus de répartition des capacités ;
  • le processus de gestion opérationnelle des circulations, dont l’objectif consiste à gérer l’utilisation effective des capacités de l’infrastructure accordée, en particulier la gestion des écarts entre l’utilisation planifiée des capacités et leur utilisation réelle (situations dégradées de circulation, réaffectation de capacités, etc.).

En outre, le gestionnaire de l’infrastructure est tenu de gérer un processus industriel de maintenance, de régénération et, le cas échéant, de développement de l’infrastructure, afin de respecter les exigences de sécurité et la nécessité de maintenir, voire d’améliorer la qualité de service de l’infrastructure (article 30 de la directive 2012/34/UE).

La mise en œuvre de ces processus doit conduire le gestionnaire de l’infrastructure à commercialiser les capacités disponibles de l’infrastructure ferroviaire et à en faire une utilisation efficace et optimale.

Les principaux éléments de diagnostic afférents à l’accès opérationnel à l’infrastructure peuvent être représentés comme suit :

Processus Constats
Répartition des capacités Une potentielle sous-optimisation des capacités offertes
– Le processus actuel de structuration des capacités, fondé sur les expressions de besoin des opérateurs ferroviaires, est adapté à une entreprise ferroviaire de transport de voyageurs en monopole mais peut s’avérer moins adapté à la présence de plusieurs entreprises ferroviaires de transport de voyageurs, dans la mesure où la structuration de la capacité risque d’être trop orientée par les expressions de besoin de l’opérateur historique.
– Les problèmes de coordination risquent de se multiplier dans le cadre du processus de structuration des capacités et sont susceptibles de dégrader in fine l’optimisation des capacités offertes.
– SNCF Réseau pourrait ainsi être amenée à déclarer des cas de saturation prévisible de l’infrastructure davantage liés à un processus de structuration contraignant les capacités disponibles qu’à une véritable congestion de l’infrastructure.
– L’absence de déploiement élargi du système sol de contrôle-commande et signalisation ERTMS obère l’accroissement de la capacité disponible sur l’infrastructure.
– La gestion de l’allocation et de l’occupation des voies dans les gares de voyageurs n’est pas suffisamment intégrée avec le processus d’allocation des sillons. Cette gestion de l’allocation et de l’occupation des voies dans les gares de voyageurs est en effet aujourd’hui prise en compte plus tardivement et par des équipes locales disjointes des équipes chargées de la répartition des capacité positionnées aux échelles nationale et régionale. L’Autorité relève toutefois que SNCF Réseau, dans le cadre du document de référence du réseau pour l’horaire de service 2023, s’est engagé dans une démarche visant à améliorer cette situation, en proposant, pour certaines gares, une meilleure intégration entre les sillons et l’occupation des voies en gare.
Une potentielle source de barrières à l’entrée pour des opérateurs concurrents
– Le processus de répartition des capacités peut s’avérer complexe et peu transparent pour les opérateurs ferroviaires nouveaux entrants (comme l’a montré l’expérience de l’ouverture à la concurrence antérieure des services de transport ferroviaire de fret). Cette complexité et cette absence de transparence peuvent potentiellement engendrer des risques d’affectations de capacités non équitables.
– Le dialogue industriel entre SNCF Réseau et les entreprises ferroviaires peut s’avérer malaisé et les outils informatiques liés à la commande de capacités peuvent être complexes d’accès et ne pas contribuer à favoriser ce dialogue.
– Le coût d’entrée pour les nouveaux entrants peut ainsi s’avérer élevé s’agissant du développement des compétences de collaborateurs suffisamment formés pour interagir efficacement avec SNCF Réseau dans le cadre du processus de répartition de capacités.
Programmation des travaux – Les interfaces entre les processus de répartition des capacités et de programmation des travaux sont perfectibles et peuvent conduire à réduire la capacité effectivement offerte pour les circulations alors qu’elle serait en réalité disponible.
– L’accès aux informations relatives à la programmation des travaux peut s’avérer difficile et consommatrice de temps et de ressources humaines importantes pour les entreprises ferroviaires (réunions d’informations par zone géographique, systèmes d’information complexes et mal coordonnés avec les systèmes d’information dédiés à la commande de capacité, etc.)
Gestion opérationnelle des circulations – La traçabilité des actions de régulation des circulations effectuées en cas de situations perturbées apparaît perfectible, en particulier la possibilité de « rejeu » des situations perturbées à des fins de retour d’expérience complet et structuré, de formation et de suivi de la performance de la gestion opérationnelle des circulations.
– Les outils informatiques dédiés à la gestion opérationnelle des circulations nécessitent d’être modernisés pour favoriser une gestion plus efficace et optimisée des situations de circulations dégradées et des conflits entre circulations.
– La finalisation du déploiement des 16 postes de commande centralisée du réseau (CCR), en remplacement des 2 200 postes d’aiguillages, apparaît incontournable aux fins d’optimiser la régulation des circulations ferroviaires.
– L’absence de définition claire de la consistance attendue de l’infrastructure ferroviaire dans le cadre du contrat de performance entre SNCF Réseau et l’État ne favorise pas une allocation efficace des moyens de maintenance et de régénération de l’infrastructure par son gestionnaire, SNCF Réseau.
– L’absence de dispositif incitatif à la réduction des coûts de gestion de l’infrastructure ne contribue pas à ce que les coûts de maintenance et de régénération de l’infrastructure fassent l’objet d’un pilotage visant à leur optimisation (cf. section 2.1).

En France, la gestion de l’infrastructure ferroviaire reste donc largement perfectible.

En premier lieu, il apparaît en particulier nécessaire de procéder à une (r)évolution du processus de répartition des capacités de l’infrastructure ferroviaire et de programmation des travaux :

  • le processus actuel d’expression de besoin, adapté aux besoins du monopole de l’opérateur ferroviaire historique, doit évoluer vers la construction d’une offre de capacité plus normative, correspondant à un usage plus intensif, plus différencié et optimisé du réseau ;
  • la digitalisation du processus d’allocation de capacité doit être amplifiée en totale cohérence avec une évolution du processus vers une logique client en lieu et place de la seule logique technique de SNCF Réseau ;
  • la planification des travaux doit gagner en transparence et en souplesse ;
  • le processus lié aux demandes tardives et en adaptation doit être industrialisé et associé à un pilotage incitatif de la qualité de service ;
  • le dispositif d’incitations réciproques doit être renforcé en vue d’accroître la responsabilisation des parties prenantes dans le processus d’allocation et d’utilisation des capacités.

En second lieu, la gestion opérationnelle des circulations doit être modernisée :

  • la traçabilité des décisions et des actions de la régulation des circulations doit être sensiblement améliorée ;
  • le processus de retour d’expérience sur les actions de réordonnancement des circulations doit être systématisé et permettre une amélioration continue de la gestion des situations d’écarts/de crise en lien avec les réallocations des capacités afférentes.

La question se pose également d’évoluer vers une régulation réputationnelle du gestionnaire d’infrastructure assurant davantage de transparence quant à la performance des processus de gestion de l’infrastructure. Les différents rapports rendant compte de la gestion de l’infrastructure restent trop cantonnés à un petit monde de « sachants ». À titre illustratif, et à l’instar de ce que réalisent d’autres gestionnaires d’infrastructure en Europe, comme Prorail aux Pays-Bas, une publication d’indicateurs destinés à un public plus large et mettant en relation les caractéristiques de l’infrastructure et les segments du marché aval des services de transport devrait être envisagée, par exemple sur la page d’accueil du site internet de SNCF Réseau.

2.2.2. Les conditions d’accès aux installations de service ferroviaires se sont améliorées ces dernières années mais des avancées sont encore nécessaires pour lever tous les freins
à l’entrée de nouveaux opérateurs ferroviaires

Un accès aux gares de voyageurs et aux services qui y sont fournis à préciser

S’agissant des gares de voyageurs, le maintien et le développement d’un accès transparent et non discriminatoire, la fourniture de prestations de qualité et une offre de service adaptée aux besoins des différents utilisateurs (services conventionnés et librement organisés) constituent un enjeu majeur, dans le contexte d’ouverture à la concurrence des services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs. Il est en particulier nécessaire que les objectifs suivants soient remplis :

  • assurer un accès transparent, équitable et non discriminatoire aux gares pour l’ensemble des entreprises ferroviaires ;
  • maintenir et développer une offre de services en gare adaptée aux différents types et configurations de gares et aux attentes des différentes autorités organisatrices de transports (AOT), avec une qualité de prestation minimale sur l’ensemble du territoire ;
  • fournir une prestation de qualité pour les utilisateurs finaux.

Le nouveau statut de SNCF Gares & Connexions, société anonyme filiale de SNCF Réseau depuis le 1er janvier 2020, limite les risques de discrimination dans l’accès aux gares, sans toutefois les supprimer totalement. Dans le cas des gares, des pratiques discriminatoires non-tarifaires pourraient consister, par exemple, à défavoriser certaines entreprises ferroviaires par rapport à l’opérateur historique verticalement intégré en dégradant la qualité de l’information les concernant ou en leur attribuant des emplacements pour leurs services de billettique situés à l’écart des flux de voyageurs.

Pour maîtriser ces risques, il convient en particulier de veiller à ce que le gestionnaire des gares soit doté des moyens humains, techniques et financiers suffisants afin, d’une part, d’effectuer directement ses missions transversales (en particulier dans les grandes gares et, plus largement, dans les gares susceptibles de présenter un potentiel concurrentiel), d’autre part, de piloter efficacement les prestations qu’il est amené à déléguer à un transporteur.


En outre, les échanges avec les AOT et les opérateurs ferroviaires tendent à indiquer que le gestionnaire unique des gares doit améliorer la transparence, la lisibilité et l’adaptabilité de l’offre de prestations en gare aux demandes locales, à partir d’un cadrage de l’État pour définir un socle minimal de prestations.

Ce cadrage a vocation à s’inscrire dans le contrat de performance entre l’État et le gestionnaire des gares de voyageurs prévu à l’article L. 2111-10-1-A du code des transports, qui devrait permettre, sur la base des objectifs de la politique de mobilité de l’État, de définir une consistance minimale des prestations offertes et des objectifs de performance pour les conditions d’accès et les services fournis dans les gares de voyageurs par type de gares.

L’établissement d’une liste des fonctionnalités et prestations minimales qui devraient être fournies, déclinée selon le type de gares, permettrait d’accroître le niveau de transparence et de non-discrimination s’agissant des services obligatoirement fournis aux utilisateurs de gares ; en parallèle, pourrait être développée une adaptation de l’offre aux différents besoins et aux différentes formules de délégations et de transfert de gestion des gares pour adapter les services fournis en gares aux demandes locales.

À cet égard, l’Autorité relève que l’articulation sera délicate entre la nécessité de définir un socle minimal de services homogène sur le territoire et les demandes de personnalisation des services par les AOT – dont le rôle est aujourd’hui essentiel dans le financement des gares et la déclinaison des services au niveau local – et leurs délégataires. Des menus d’offres, de l’acte simple au forfait tout inclus, pourraient ainsi être proposés, à l’avenir, par le gestionnaire des gares pour s’adapter aux différents besoins.

Enfin, si la mise en place du dispositif d’incitation à la qualité de service est un premier pas louable que l’Autorité a salué, celle-ci estime que le dispositif devrait être renforcé sur plusieurs aspects :

  • en premier lieu, l’Autorité considère que les objectifs du gestionnaire des gares sont insuffisamment ambitieux ;
  • en deuxième lieu, l’Autorité estime que les incitations financières peuvent être renforcées ;
  • en troisième lieu, l’Autorité estime souhaitable que le périmètre des gares évaluées soit étendu ;
  • en quatrième lieu, l’Autorité recommande que SNCF Gares & Connexions mette en place un dispositif d’indicateurs de la qualité de service offerte aux voyageurs combinant indicateurs globaux de satisfaction (dans le cadre de mesures du type « net promoter score » (NPS), plus révélatrices que les indicateurs moyens de satisfaction) et indicateurs de satisfaction sur des catégories spécifiques de services.

Pour atteindre ces objectifs, l’Autorité estime qu’une évolution du cadre réglementaire devrait être mise en œuvre, conformément au cadre législatif posé par l’article L. 2111-9-2 du code des transports, issu de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, en introduisant une nouvelle catégorisation ou une catégorisation plus flexible des gares de voyageurs et en autorisant l’élaboration de tarifs pluriannuels.

Un accès aux voies de garage et aux gares de manœuvre des trains à rendre plus transparent et performant

Les voies de garage et les gares de formation des trains constituent des installations de service essentielles pour l’exploitation des services de transport ferroviaire. Communément regroupées sous le terme générique de « voies de service » par SNCF Réseau, ces installations sont destinées à assurer le stationnement des trains entre deux services commerciaux et à permettre la formation et/ou la reconfiguration de rames.

De manière générale, les conditions opérationnelles et contractuelles d’accès aux voies de garage doivent progresser et un accès régulé à l’ensemble du parc de voies accessibles, quel qu’en soit l’exploitant, doit être mis en place. Dans le contexte de l’ouverture à la concurrence, le développement d’une offre de nouveaux services de transport ferroviaire de voyageurs repose en effet en grande partie sur la possibilité d’accéder à ce type d’installations de service et sur la qualité de cet accès.

Deux grands objectifs doivent ainsi être atteints.

  • Le premier objectif consiste à améliorer la transparence et la performance de l’accès aux voies de garage et des conditions de maintenance et d’exploitation des sites exploités par SNCF Réseau. L’atteinte de cet objectif suppose de recréer une véritable dynamique industrielle et commerciale incitant SNCF Réseau à maintenir et moderniser les voies de service, leur gestion et leur pilotage opérationnel, au bénéfice du système ferroviaire. Pour ce faire, à court terme, le recensement des voies de service opéré par SNCF Réseau doit être finalisé et une cartographie complète des voies de service devrait être accessible sur le site de la plateforme de service aux entreprises ferroviaires (PSEF). A moyen terme, SNCF Réseau devrait être incité à réinvestir le sujet des voies de service en créant une dynamique vertueuse entre performance industrielle et modèle de tarification régulée.
  • Le second objectif consiste à ce que soit élaborée et publiée au plus vite une offre d’accès régulée, transparente et non discriminatoire, adaptée aux besoins de l’ensemble des opérateurs ferroviaires, aux parcs de voies de garage détenus et/ou exploités par SNCF Voyageurs pour son propre compte, que ces voies soient situées dans la zone d’emprise des installations d’entretien des matériels roulants ferroviaires ou en dehors. Outre le fait que l’absence d’une telle offre d’accès contrevient en effet aux dispositions législatives et réglementaires européennes et nationales, elle est susceptible de nuire gravement au bon fonctionnement d’un système ferroviaire ouvert à la concurrence et ne peut, en tout état de cause, pas perdurer. Sur ce sujet, l’Autorité relève que SNCF Voyageurs a introduit une prestation de stationnement des matériels roulants dans l’offre régulées de maintenance pour les horaires de service 2022 et 2023 dont elle a saisi l’Autorité, le 17 septembre 2021. L’Autorité ne peut qu’encourager SNCF Voyageurs à poursuivre le développement de cette offre.

L’accès aux installations d’entretien des matériels roulants : entre avancées significatives et nécessaires progrès à accomplir

Contrairement à l’infrastructure ferroviaire ou à d’autres installations de service, les installations d’entretien des matériels roulants ne correspondent pas nécessairement à des facilités essentielles stricto sensu. Généralement, les entreprises ferroviaires souhaitent maîtriser au maximum la maintenance de leur matériel roulant, dans la mesure où celle-ci est fortement imbriquée à la gestion des plans de transport. Interrogées sur le sujet, de nombreuses entreprises ferroviaires déclarent ainsi envisager la construction de leurs propres installations de maintenance dans le cadre de leur entrée sur le marché français.


Toutefois, l’observation des processus d’ouverture à la concurrence en Europe – y compris ce qui peut être observé pour certains opérateurs souhaitant pénétrer le marché français – montre que l’établissement d’installations d’entretien, pour de nouveaux entrants, se heurte à deux difficultés majeures. La construction d’installations d’entretien, notamment pour assurer des opérations de maintenance un peu élaborées (niveaux 2 ou 3), nécessite en effet, pour une entreprise ferroviaire, (i) un niveau d’activité suffisamment important pour amortir les coûts d’investissement et de fonctionnement de telles installations et (ii) des surfaces foncières disponibles suffisamment bien placées pour que l’emplacement de l’installation soit compatible avec des modalités d’exploitations correctes des services de transport.

Dans le cadre de l’ouverture à la concurrence et en l’absence, en France, à ce stade, de marché de la maintenance du matériel roulant voyageurs opéré par des opérateurs spécialisés (constructeurs de matériel roulant, par exemple), un enjeu essentiel consiste à ouvrir aux entreprises ferroviaires et autorités organisatrices de transports un champ de scénarios possibles suffisamment large pour être adapté aux différentes situations : (i) accès pour la réalisation d’opérations de maintenance pour compte propre, (ii) accès aux sites et aux services qui y sont fournis pour des opérations spécifiques ou des ensembles d’opérations, (iii) accès mixte (une partie des opérations réalisées pour compte propre, une partie sous-traitée à l’opérateur historique).

Le principal objectif à atteindre consiste à permettre aux entreprises ferroviaires de disposer de toute l’agilité nécessaire pour réussir leur entrée sur le marché des services de transport ferroviaire de voyageurs et d’organiser, le cas échéant, leur montée en puissance.


Or, si l’Autorité a contribué à la création d’une offre régulée de maintenance mise à disposition des entreprises ferroviaires et des candidats autorisés tiers dans la totalité des centres d’entretien exploités par SNCF Mobilités, puis SNCF Voyageurs (ainsi que Fret SNCF), en mobilisant différents leviers à sa disposition, plusieurs difficultés demeurent :

  • le manque de lisibilité des offres de maintenance : les offres de maintenance proposées par l’opérateur historique restent peu lisibles pour les nouveaux entrants, en raison notamment de leur complexité. Ainsi, il existe plusieurs dizaines de milliers de tarifs d’opérations de maintenance avec des libellés qui ne sont pas toujours compréhensibles pour des acteurs extérieurs au groupe public ferroviaire ;
  • des procédures encore complexes : en dépit d’un encadrement réglementaire, l’accès aux centres d’entretien relève toujours d’une procédure qui, dans la pratique, s’avère aujourd’hui encore longue et rigide, et qui n’est pas suffisamment orientée vers les besoins des entreprises ferroviaires ;
  • une posture commerciale qui doit être développée : contrairement à ce qui a pu être mis en place dans d’autres pays européens, l’opérateur historique peine à construire une posture commerciale, qui permettrait notamment à un sous-traitant mainteneur « pur » (par exemple, un constructeur) d’utiliser également ces installations. En outre, une véritable interface commerciale (une plateforme commerciale dédiée, par exemple) pourrait être développée et proposée à tous les utilisateurs des installations. Enfin, il convient d’ajouter que, pour être opérante pour l’ensemble des utilisateurs potentiels, l‘offre de référence régulée de maintenance devrait permettre aussi bien l’accès aux opérations seules qu’à un assemblage pertinent d’opérations. En ce sens, l’établissement de devis pour répondre aux besoins de maintenance spécifiques des entreprises ferroviaires, proposé par SNCF Voyageurs dans son offre de référence pour les horaires de service 2022 et 2023, constitue un premier pas dans cette direction ;
  • des transferts d’installations de maintenance aux régions compliqués : les régions peinent à récupérer la pleine propriété des ateliers de maintenance de l’opérateur historique, en raison notamment des imprécisions du découpage des responsabilités et des droits de propriété entre SNCF Voyageurs et SNCF Réseau. De plus, certaines régions semblent rencontrer des difficultés concernant la reprise des personnels compétents et spécialisés chargés de la maintenance du matériel roulant.

Dans ces conditions, l’Autorité estime nécessaire de :

  • simplifier autant que possible les procédures d’accès aux centres d’entretien et d’en élargir l’accès à tous les acteurs susceptibles d’être intéressés (au-delà des seuls candidats autorisés) ;
  • accroître la lisibilité des offres de référence en les agrémentant d’exemples concrets et en mettant à disposition des utilisateurs potentiels une cellule dédiée à la formalisation de leurs besoins et à la construction d’une solution fondée sur les prestations régulées et adaptée à ces besoins ;
  • proposer des menus d’offres – depuis l’opération élémentaire, telle que proposée aujourd’hui, à un ensemble d’opérations commercialisées dans le cadre d’un forfait par exemple –, adaptés aux différents besoins des entreprises ferroviaires, dans la poursuite de ce qui a été initié par SNCF Voyageurs dans son offre de référence pour les horaires de service 2022 et 2023, en proposant d’établir des devis pour répondre aux besoins de maintenance spécifiques des entreprises ferroviaires.